L'accord acquis à la majorité qualifiée prévoit de couper totalement le lien entre production et subventions (découplage) pour le tabac à l'horizon 2010, tandis que le découplage ne sera que partiel pour le coton et l'huile d'olive. Pour Madrid, la réforme allait trop loin en matière de découplage des aides au coton et n'était financièrement pas assez généreuse sur l'huile d'olive.
Deux autres pays - Suède et Danemark - ont marqué leur opposition au compromis final, estimant au contraire qu'il ne poussait pas assez loin la réforme, en particulier sur le tabac et les objectifs de santé publique. Les négociations, qui avaient débuté par une série de rencontres bilatérales mercredi, s'étaient dès le départ annoncées serrées.
Comme lors des débats sur la politique agricole commune (PAC), la controverse portait surtout sur le "découplage" des aides, qui consiste à supprimer, entièrement ou partiellement, le lien entre le montant des subventions versées aux exploitants et les quantités qu'ils produisent. Le commissaire à l'Agriculture Franz Fischler, à l'origine du projet de réforme, entendait couper au maximum ce lien.
Cinq pays méditerranéens - France, Grèce, Italie, Espagne et Portugal - étaient à l'origine opposés à ses projets. En revanche, Bruxelles bénéficiait du soutien de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède et du Danemark. "Les négociations ont été très difficiles parce que très passionnées, notamment sur le tabac", a commenté le ministre français de l'Agriculture, Hervé Gaymard, devant quelques journalistes à l'issue de la réunion.
L'argument phare des partisans de la réforme de M. Fischler était la lutte contre le tabac, alors que ses opposants s'élevaient contre le découplage au nom de la préservation de l'emploi dans le secteur. Après d'ultimes tractations avec les pays les plus réfractaires à la réforme, la présidence irlandaise de l'UE et la Commission ont finalement réussi à mettre sur la table un projet de compromis capable de recueillir la majorité qualifiée nécessaire à un accord.
L'Espagne, premier producteur mondial d'huile d'olive, deuxième producteur européen de coton et troisième producteur communautaire de tabac, a cependant été impossible à convaincre. Au bout du compte, pour le tabac, le principe d'un découplage total a été entériné, avec toutefois une période de transition. Le découplage devra être d'au moins 40% dès 2006 et en tout état de cause total à partir de 2010.
La solution trouvée "nous donne toute la fin de la décennie pour voir venir", s'est félicité M. Gaymard. Pour le coton et l'huile d'olive, le découplage ne sera que partiel, à hauteur de 65% pour le premier et de 60% pour le second. Sur le volet coton, un facteur "extérieur" devait être pris en compte dans les négociations, les pays en développement contestant des subventions qui, selon eux, provoquent des distorsions de concurrence sur le marché européen.
Le commissaire Fischler a estimé que le système retenu créerait "moins de distorsion de concurrence", faisant ainsi, selon lui, de cette réforme "un signal fort à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et aux pays en développement". L'accord trouvé dans la nuit de mercredi à jeudi, qui concerne aussi la production du houblon, n'est encore que politique. Mais, selon des sources concordantes, il devrait être formalisé avant le 1er mai, date de l'élargissement de l'UE à dix nouveaux membres. |